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Ville low-tech : "remettre la technologie à sa juste place" Loïc Dosseur

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Publié le : 13.04.23

Temps de lecture 6 min

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Loïc

Dosseur

Directeur général de Paris&Co

Et si on faisait mieux avec moins ? Et si moins de technologie signifiait un meilleur usage des technologies ? Pour comprendre l'approche « low-tech » et ses applications nombreuses pour nos bâtiments et nos villes, la parole est à Loïc Dosseur, Directeur général de Paris&Co et initiateur de l'action collective sur le low-tech.

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Qu’est-ce que l’approche low-tech ? Comment s’applique-t-elle au bâtiment ?

L’approche low-tech, aussi appelée de « sobriété » ou de « frugalité » est une démarche qui vise à remettre la technologie à sa juste place dans nos modèles de développement, tout en maximisant l’utilité sociale de chaque initiative et en respectant les limites locales et planétaires. Cette approche n’envisage pas de supprimer toute technologie de nos modèles, mais au contraire pousse au discernement technologique et au questionnement de nos besoins. 

La dépendance croissante de nos villes aux solutions à hautes composantes technologiques implique une consommation de ressources excessives et une pollution évitable. Elle est également à l’origine d’impasses techniques et économiques dans les métiers de la fabrique urbaine. C’est le cas par exemple du secteur du bâtiment qui voit ses coûts d’exploitation et de maintenance s’envoler du fait de la sur-technologisation de ses infrastructures. 

Cette approche n’envisage pas de supprimer toute technologie de nos modèles, mais au contraire pousse au discernement technologique et au questionnement de nos besoins. 

Les low-tech nous invitent à explorer de nouvelles manières de concevoir, de produire et de consommer. Réhabilitation de bâtiments, rénovation énergétique, urbanisme transitoire, intensification et réversibilité des usages, conception bioclimatique, économie circulaire, approvisionnement en énergies locales renouvelables… Cette démarche s’applique à toutes les étapes de la vie d’un bâtiment : de la conception à la maintenance, de la rénovation à la déconstruction.

Comment s’est constitué le collectif low-tech ? Quelles actions ont été menées ?

En octobre 2021, Paris&Co a lancé le groupe de travail « Quand les bâtisseurs de la ville accélèrent l’innovation urbaine low-tech » dans lequel BNP Paribas Real Estate, GRDF, Groupama Immobilier et SNCF Immobilier mettent encore aujourd’hui leurs expertises et compétences en commun. Ils ont récemment été rejoints par le Groupe Eiffage. L’objectif de ce groupement était simple : identifier des alternatives au « tout-technologique » pour développer une innovation urbaine de bon sens. Accompagnés par notre expertise en innovation et celle d’Atelier 21 (fablab citoyen), 400 collaborateurs de ces grandes entreprises ont été embarqués dans la démarche. Ensemble, ils ont identifié plus d’une centaine de solutions low-tech et ont œuvré à la conception d’une boîte à outils low-tech rendue publique aujourd’hui pour les professionnels du secteur. Cette démarche s’est cristallisée par la publication d’un manifeste pour engager les acteurs de la fabrique urbaine à s’emparer des préceptes de la low-tech et à transformer leurs pratiques vers plus de sobriété. Ce manifeste, toujours ouvert à signatures, s’adresse à l’ensemble de la filière et constitue une première marche dans l’engagement des professionnels.

Suite au sommet de l’UVD en juillet 2022, notre groupement poursuit son action collective autour de 3 axes structurants : 1/ le développement d’une dizaine de prototypes de bâtiments frugaux low-tech d’ici un an (5 projets sont déjà à l’étude), 2/ la construction d’une méthodologie de conception low-tech, 3/ la structuration d’un réseau de plus de 30 acteurs incontournables de la fabrique urbaine pour faire émerger cette filière low-tech dans laquelle les défis à relever sont nombreux (défis culturels, réglementaires, de formation, etc.).

Des prototypes de bâtiments low-tech ont déjà vu le jour ou vont bientôt être construits. À quoi ressemblent-ils ?

Effectivement, nous travaillons actuellement avec les membres du groupement pour développer des prototypes de bâtiments en suivant l’approche low-tech. Pour vous citer 3 exemples : BNP Paribas Real Estate travaille sur le projet de réhabilitation du bâtiment de l’AP-HP (4earrondissement de Paris) aux côtés de ses partenaires APSYS et RATP Solutions Ville, pour en faire un bâtiment mixte et ouvert sur la ville selon les principes low-tech.

Nuit de l’action – 5 avril 2023 : présentation du collectif Low tech par Charlotte Girerd (SNCF Immobilier), Astrid Weill (Groupama Immobilier) et Loïc Dosseur (Paris&Co) ©Frédéric Albert

Groupama Immobilier, de son côté, a lancé une opération de restructuration sur un immeuble phare de son patrimoine, situé place de la bourse à Paris et géré pour le compte du Groupe Groupama. Le projet, nommé avec humour « L’immeuble le plus nul de Paris », a vocation à devenir un prototype de bâtiment low-tech : sobre, robuste, facilement réparable et adapté dès sa conception aux besoins de ses usagers.

Enfin, le projet de requalification de la Tour Watt, ancien foyer de 16 étages destiné aux cheminots dans le 13ème arrondissement de Paris, vise à démontrer l’application de procédés low-tech à l’échelle d’un bâtiment. La filiale de SNCF Immobilier, ICF Habitat Novedis, a procédé à une transformation radicale pour restructurer l’immeuble, concevoir des studios de 22m² et réduire la consommation énergétique de 70%.

Vous insistez sur le partage des retours d’expérience. N’est-ce pas totalement inédit que des entreprises parfois concurrentes partagent les fruits d’une démarche R&D ?

Face aux urgences environnementales et sociétales de cette prochaine décennie, les modèles de compétition classique entre grands acteurs de la fabrique urbaine sont remis en question par la nécessité de faire alliance pour adresser ces défis de taille. Il est nécessaire aujourd’hui d’unir nos forces et nos compétences pour faire bouger les lignes : les membres du groupement l’ont bien compris et ont décidé d’appliquer à eux-mêmes ce principe de franche collaboration afin de créer des marchés d’innovation viables et fertiles. Cette collaboration permet d’avoir plus de poids afin d’implanter des changements profonds et durables dans le secteur, de structurer de nouveaux marchés ou filières et d’influencer la réglementation. Elle met en synergie les acteurs clés des filières et permet ainsi à l’ensemble de la chaîne de valeur d’évoluer et d’augmenter son niveau de service. Elle invite chacun à travailler et s’ouvrir sur des secteurs moins familiers pourtant liés à la fabrique de la ville.

Les modèles de compétition classique entre grands acteurs de la fabrique urbaine sont remis en question par la nécessité de faire alliance pour adresser ces défis de taille. Il est nécessaire aujourd’hui d’unir nos forces et nos compétences pour faire bouger les lignes.

Ce désilotage des approches est nécessaire pour entamer sa transformation et impose qu’on ne le fasse pas seul mais en collectif. Pouvoirs publics, entreprises grandes et plus petites, chercheurs, associations, société civile : c’est ensemble qu’il va falloir œuvrer à l’accélération et à la démocratisation d’une approche de sobriété dans la fabrique de nos territoires. C’est la conviction profonde de Paris&Co à travers cette action collective engagée autour de la ville low-tech.

Au-delà du seul périmètre du bâtiment, par quoi se caractériserait une ville low-tech ?

Pour notre groupement, une ville low-tech est une ville qui a renforcé sa résilience climatique : face au dérèglement climatique, il y a urgence à sauver nos écosystèmes naturels et restaurer les services écosystémiques qu’ils peuvent nous rendre. Îlots de fraîcheur urbains, puits de carbone, gestion alternative des eaux pluviales… L’approche low-tech mobilise le génie du vivant pour renforcer la résilience de nos villes. 

C’est une ville qui a su transformer ses modèles énergétiques. Afin d’assurer notre souveraineté énergétique, nous devons miser sur un mix énergétique diversifié et faible en émissions carbone. La philosophie low-tech nous invite à trouver un moyen de produire notre énergie localement, à explorer le potentiel d’autres énergies (comme le biométhane ou la géothermie), à mutualiser le partage de l’énergie et à intensifier l’usage de l’existant (par exemple en donnant une nouvelle vie à du foncier vacant ou en faisant plusieurs usages d’un même bâtiment). 

C’est une ville qui a réorganisé son territoire. Alors que l’étalement urbain doit être drastiquement limité, la question de la densité se pose. En cherchant à décentraliser et répartir les forces (création de dynamiques locales équilibrées), la low-tech appelle à construire des villes attractives au cadre de vie désirable. Elle invite également à repenser le champ des mobilités pour répondre aux défis de la décarbonation et des nouveaux usages. Enfin, les dernières crises sanitaires et géopolitiques ont sonné le clap de fin des modèles de délocalisation et de forte dépendance aux ressources lointaines. Place à la structuration de réseaux de proximité qui permettent d’ancrer, à l’échelle du territoire, des filières de production locale et des services accessibles à deux pas de nos habitats. 

C’est une ville qui a fait muter son existant pour économiser des ressources. L’avenir durable de nos villes s’inventera dans le parc existant : chrono-urbanisme, urbanisme transitoire ou tactique, procédés constructifs évolutifs, économie du partage, transformation de bureaux en logements… Les solutions low-tech pour optimiser l’usage de nos équipements et bâtiments ne manquent pas. 

C’est une ville qui a transformé ses paradigmes socio-culturels. Comment développer des produits et services moins chers car plus économes en ressources, et donc plus accessibles ? Comment créer de l’emploi et assurer des revenus dignes pour toutes et tous ? Les low-tech cherchent à relever le défi de l’inclusion et de l’accessibilité des équipements et services de nos villes, et portent également l’implication et la participation citoyenne dans leur ADN. Le levier culturel, psychologique et éducatif est sans doute l’un des plus puissants pour faire bouger les lignes. Il est nécessaire de développer de nouveaux imaginaires collectifs et un autre récit inspirant et réaliste de nos villes.

Rejoignez le mouvement

Les objectifs pour les mois à venir sont de produire une méthodologie opérationnelle de conception d’un projet urbain low-tech, et de développer grâce à elle nos 10 premiers prototypes de bâtiments frugaux low-tech.
En parallèle, l’ensemble de la filière est invité à passer à l’action à travers les « Rendez-vous low-tech ». L’idée est de construire une communauté d’acteurs incontournables de la fabrique urbaine, de les inspirer, les outiller et partager avec eux des retours d’expérience.
Cette action collective d’ampleur réunit collectivités, aménageurs, constructeurs, promoteurs, foncières, bailleurs, opérateurs de services, designers et architectes. Déjà une quinzaine d’adhérents sont fédérés dans ce collectif, avec parmi eux : la Ville de Paris, la Métropole du Grand Paris, Bouchaud Architectes, KOZ Architectes, Béchu Associés, Bouygues Construction, Redman, Nexity, Sefri-Cime, Sogaris, le CSTB, Atelier 21 et d’autres.

Tous les acteurs de la fabrique urbaine sont appelés à les rejoindre.

Pour rejoindre le mouvement, cliquez sur ce lien.

Images à la Une : « Toits temporaires urbains » (SNCF Immobilier) et « Immeuble le plus nul de Paris » (Groupama Immobilier)