Tout a commencé en juillet 2021, lors du sommet fondateur de l’Université de la Ville de Demain. Un jeune maire de 30 ans, Quentin Brière, inconnu du grand public, vient présenter sa commune de Saint-Dizier, une ville moyenne hélas emblématique de la France dite « périphérique ».
Autrefois fleuron de la métallurgie, Saint-Dizier a souffert des vagues successives de désindustrialisation. En témoigne la fermeture définitive de l’usine de transmission de tracteur (ex-McCormick) en 2018, qui avait compté jusqu’à 3 000 salariés. Autre chiffre accablant, la population de la ville est passée de 37 à 23 000 habitants en cinquante ans. Ce déclassement a eu des conséquences sur le tissu urbain avec une importante vacance commerciale et résidentielle… Rien d’étonnant à ce que cette ville du Grand Est soit devenue un épicentre de la crise des Gilets jaunes.
Lors du sommet de juillet 2021, devant un parterre d’élus et responsables institutionnels, de dirigeants d’entreprises et d’experts, Quentin Brière raconte ce contexte difficile, qui ne doit pas occulter d’indéniables atouts. Saint-Dizier est au centre d’un bassin de vie de 150 000 habitants, elle bénéficie d’un patrimoine naturel exceptionnel grâce à la proximité avec le Lac du Der, sa base aérienne militaire emploie plus de 1 800 personnes en demande des logements et de commerces en cœur de ville… autant de leviers déterminants pour le développement urbain.
Autre élément décisif : la maîtrise foncière. Grâce à deux décennies de rachats de gré à gré et de préemptions sous les précédents mandats, la ville dispose de 4 hectares de foncier en plein centre et 15 sites patrimoniaux à reprogrammer. Pour leur donner une nouvelle vie, Quentin Brière a invité les dirigeants présents au sommet de rendre sur place : « Hormis les bailleurs sociaux, les acteurs traditionnels de l’immobilier ne se déplacent pas dans un territoire comme Saint-Dizier. La méconnaissance, c’est aussi cela la fracture territoriale. Le sommet de l’UVD a permis de montrer un potentiel et de lancer un défi : et si vous deveniez acteur de la renaissance d’une ville moyenne ? »
Pari tenu puisqu’en octobre 2021, une cinquantaine de personnalités du monde la ville se sont déplacées à Saint-Dizier. Au programme : échange d’idées, de conseils, de contacts, marques d’intérêt pour intervenir. Cette journée a constitué la première édition de l’Université IN-SITU.
Des partenariats d’innovation urbaine
Ces échanges ont abouti au lancement de plusieurs chantiers. Une consultation a été lancée pour la désignation d’un Assistant à maîtrise d’ouvrage en charge de la coordination de l’ensemble de la restructuration du cœur de ville. « Sans l’UVD, le cahier des charges n’aurait pas été aussi ambitieux. Nous voulons créer les conditions d’un laboratoire d’innovation » explique le maire. En février 2023, l’agence D&A (Devillers & associés) a été désignée lauréate de cet appel d’offres. Le groupement – formé avec Alphaville, Artelia, la Belle Friche, Bérénice, In Extenso Tourisme Culture & Hôtellerie et Orchestra Design – est à pied d’œuvre depuis le mois de février 2023.
Sur le volet culturel, des premiers succès ont déjà été remportés. La RMN – Grand Palais a inauguré en septembre 2022 – en présence de la ministre de la culture – sa première antenne appelée MUSE, un musée numérique immersif destiné à essaimer dans les villes moyennes. Le site occupe l’une des 14 friches du cœur de ville et connaît un vrai succès de fréquentation. En s’entourant d’un partenaire structurant comme la RMN – Grand Palais, Saint-Dizier illustre cette logique de coalition d’acteurs chère à l’Université de la Ville de Demain.
La ville a conclu ainsi un partenariat inédit avec Paris 2024 et le programme national Action cœur de ville en devenant un territoire pilote du « design actif ». Il s’agit d’un concept qui mêle pratique sportive et urbanisme pour inciter la population à l’activité physique, via des installations dans l’espace public totalement libres d’accès : agrès dans un square, radar de vitesse dans un parc pour mesurer sa vitesse de course et défier ses amis, mini « via ferrata » sur le mur extérieur d’une école primaire, etc. Pour les deux institutions publiques, l’objectif est de lutter contre la sédentarité et de renforcer l’attractivité des centres-villes.
« Le design actif est outil formidable pour construire une ville de la rencontre, ajoute le maire de Saint-Dizier. Inciter les gens à aller dehors est le meilleur moyen pour tisser du lien social, le tout pour des investissements très raisonnables et avec des conséquences immédiates sur l’utilisation de l’espace public par les citoyens. » Après une première vague de modules inaugurés en septembre 2022, un déploiement plus massif va se poursuivre jusqu’en 2024, et après, en intégrant le design actif dans les futurs projets d’aménagement et dans la renaturation des cours d’école.
Sur un thème tout autre, celui de son savoir-faire industriel, la ville explore la possibilité de partenariat avec d’autres collectivités. « Saint-Dizier dispose d’un savoir-faire mondialement reconnu dans le mobilier urbain. Demain, nous pouvons susciter l’intérêt de collectivités qui cherchent à favoriser le made in France » explique Quentin Brière. Sur ce sujet comme sur d’autres, la ville n’en a pas terminé de jouer collectif. Une démarche inspirante pour les autres territoires accompagnés par l’Université de la Ville de Demain.
Droits à construire : des partenariat gagnants-gagnants entre métropoles et villes moyennes ?
En 2016, un partenariat inédit s’est conclu entre Bordeaux et Angoulême. Pour que l’essor immobilier de la métropole girondine profite à sa voisine, des cessions de foncier dans le quartier de la gare ont été conditionnées à des cessions dans la ville charentaise. Les promoteurs développent donc simultanément des projets dans les deux communes. Un modèle reproduit à grande échelle demain pour que le développement des métropoles profite aux villes moyennes ?